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Vers une IA de confiance, sécurisée et souveraine : recommandations à partir du Sommet de Paris sur l’intelligence artificielle

Photo du rédacteur: Centre Européen de Sécurité et StratégieCentre Européen de Sécurité et Stratégie

Sommet de Paris sur l’intelligence artificielle
Sommet de Paris sur l’intelligence artificielle

Contexte général


Les 10 et 11 février 2025, la France a accueilli à Paris le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, réunissant des délégations de haut niveau issues de plus de 25 États, ainsi que des représentants des entreprises technologiques, des agences de sécurité, du secteur académique et des instances européennes. À l’issue de ce sommet, le SGDSN (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale) a publié un rapport soulignant les risques systémiques, les vulnérabilités sécuritaires, mais aussi le potentiel stratégique majeur de l’IA pour les démocraties européennes.


La présente note vise à prolonger cette réflexion, à travers des recommandations techniques et politiques pour positionner l’Europe, et en particulier la France, comme acteur souverain d’une IA éthique, résiliente et maîtrisée.



1. La sécurité algorithmique comme nouvel enjeu de souveraineté


• L’IA n’est pas seulement un outil : elle devient un espace stratégique autonome, capable de générer, amplifier et anticiper des effets systémiques sur les sociétés.

• Les algorithmes de langage, de traitement visuel, d’analyse comportementale ou de détection d’anomalies peuvent fausser les processus décisionnels, influencer les perceptions collectives, ou être détournés par des puissances hostiles (deepfakes, manipulations électorales, biais décisionnels).

• Il est impératif de développer une doctrine européenne de la sécurité algorithmique, qui impose la traçabilité, l’auditabilité et la capacité d’interruption en cas d’utilisation malveillante.


Recommandation : Création d’un Registre européen de transparence des IA sensibles, accessible aux autorités nationales de sécurité, permettant un contrôle continu des modèles déployés dans les domaines critiques.



2. IA, cyberdéfense et infrastructures critiques : un triptyque stratégique


• L’IA est désormais intégrée aux systèmes de détection d’intrusions, à la protection des réseaux énergétiques, à la surveillance des communications et à la sécurité aérienne, maritime, satellitaire.

• Cette dépendance croissante rend les États vulnérables à des altérations invisibles des données d’entraînement, à des attaques sur les couches logicielles (“poisoning”), ou à des manipulations indirectes des réponses générées.

• Le SGDSN préconise un référentiel de sécurité IA dans tous les appels d’offres publics liés aux infrastructures stratégiques.


Recommandation : Adoption d’un Protocole européen de cybersécurité IA, avec audit obligatoire de robustesse algorithmique pour toute IA intégrée aux fonctions critiques (transport, santé, énergie, défense).



3. Viginum, désinformation algorithmique et guerre cognitive


• Les IA génératives sont devenues des vecteurs de désinformation instantanée, capables de produire des contenus manipulés, contextualisés, pseudo-experts, en plusieurs langues, et à grande échelle.

• Le service VIGINUM, rattaché au SGDSN, a souligné le risque croissant de “désinformation sur mesure” lors des élections ou des crises, générée par des IA pilotées depuis l’étranger.

• Il devient nécessaire d’articuler l’analyse narrative et la veille émotionnelle algorithmique au sein d’un dispositif de défense cognitive européen.


Recommandation : Intégration d’une cellule IA au sein de VIGINUM, dotée d’outils de détection des contenus générés, des signaux faibles émotionnels, et des schémas de diffusion automatisée.



4. Encadrement éthique et stratégie industrielle européenne


• L’IA doit être développée selon les valeurs démocratiques : transparence, non-discrimination, explicabilité, supervision humaine.

• La stratégie française présentée au Sommet de Paris insiste sur l’indépendance industrielle, l’hébergement souverain des modèles, et la priorité aux usages publics sécurisés.

• Pourtant, 80 % des IA déployées dans les services publics européens reposent encore sur des technologies américaines (Microsoft Azure, Google Cloud, OpenAI, etc.).


Recommandation : Création d’un label de sécurité IA européenne, conditionnant les financements publics à l’utilisation de modèles audités, hébergés en Europe, et alignés sur les principes du règlement IA de l’UE (IA Act).



5. Former les décideurs à la maîtrise stratégique de l’IA


• La sécurité de l’IA ne peut pas reposer uniquement sur des experts techniques. Elle nécessite une culture de décision éclairée dans toutes les administrations, au Parlement, dans les collectivités.

• Le SGDSN propose des formations croisées entre hauts fonctionnaires, militaires, magistrats et chercheurs sur les usages sécuritaires de l’IA.


Recommandation : Mise en place d’un Collège européen de stratégie et de souveraineté numérique, coordonné avec les États membres, pour anticiper les ruptures technologiques, les normes de contrôle, et les coopérations sécuritaires liées à l’IA.



Conclusion


Le Sommet de Paris a montré que l’Europe peut prendre l’initiative sur l’intelligence artificielle. Mais cette initiative doit être à la fois éthique, stratégique et sécurisée. Le SGDSN a raison d’insister sur l’importance d’une vision intégrée de l’IA, qui dépasse la technologie pour toucher aux fondements de la souveraineté, de la démocratie et de la sécurité nationale.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie appelle à inscrire l’IA au cœur de la politique de sécurité intérieure et extérieure, et se tient à disposition des institutions pour contribuer à l’élaboration d’une doctrine européenne de l’intelligence artificielle souveraine, résiliente et sécurisée.


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