
1. Contexte général et nécessité d’une vigilance renforcée
L’année 2024 a marqué une accélération des dynamiques de fragmentation politique, de vulnérabilités informationnelles et de tensions sociales en Europe. La France n’a pas été épargnée. Dans un contexte où les lignes entre sécurité intérieure, menaces étrangères et sphère numérique s’effacent, le rôle du SGDSN comme centre de gravité de la sécurité stratégique nationale apparaît plus crucial que jamais.
La combinaison de plusieurs facteurs — montée des ingérences étrangères, intensification de la polarisation sociale sur les réseaux, désinformation ciblée, cyberattaques contre les institutions — oblige à repenser les outils de résilience et de coordination. Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie, à travers cette note, souhaite partager une série de recommandations concrètes et structurées à l’attention du SGDSN, dans une logique de coopération civilo-stratégique et de réflexion partagée.
2. État des lieux des menaces actuelles
2.1. Une ingérence étrangère plus subtile mais plus systématique
• Les campagnes informationnelles étrangères ne cherchent plus uniquement à propager de fausses nouvelles, mais à polariser l’opinion, épuiser la confiance, fragiliser les repères institutionnels.
• Selon l’ANSSI, la France a été la cible de plus de 240 incidents de manipulation numérique en 2024, dont la moitié attribués à des acteurs russes, iraniens ou affiliés.
• VIGINUM a identifié une tendance à la fragmentation narrative, avec des récits localisés, adaptés aux failles sociales ou culturelles spécifiques à certains territoires.
2.2. Une sécurité intérieure soumise à de nouvelles pressions hybrides
• Les manifestations sociales, qu’elles soient liées à des enjeux économiques, environnementaux ou identitaires, sont régulièrement amplifiées par des réseaux transnationaux à vocation déstabilisatrice.
• Des plateformes comme Telegram, TikTok ou X servent aujourd’hui de vecteurs à des mécaniques d’escalade émotionnelle, parfois coordonnées ou instrumentalisées.
• Les services de renseignement constatent une porosité croissante entre sphère militante, espace numérique et vulnérabilités informationnelles.
2.3. Une confiance démocratique sous tension
• Le dernier baromètre IFOP (mars 2025) indique que 53 % des Français pensent que “les institutions sont manipulées par des puissances étrangères ou économiques” — un chiffre qui a augmenté de 8 points en un an.
• Ce climat favorise la désaffiliation politique, l’adhésion aux récits simplistes et la circulation virale de narratifs défiants ou complotistes.
3. Recommandations stratégiques à l’attention du SGDSN
3.1. Structurer une doctrine nationale de résilience cognitive
• Intégrer à la Stratégie nationale de sécurité une doctrine officielle de souveraineté cognitive, coordonnée par le SGDSN, en lien avec VIGINUM, l’ANSSI et les ministères concernés.
• Lancer une feuille de route interministérielle de résilience émotionnelle et cognitive, pour anticiper les effets des manipulations de l’information sur la cohésion sociale.
3.2. Renforcer le maillage local d’alerte stratégique
• Déployer dans chaque préfecture une cellule d’observation territoriale des signaux faibles informationnels, en lien avec les services de renseignement et les acteurs de terrain.
• Encourager la coopération avec les collectivités et les chercheurs pour identifier les fractures sociales exploitables par les campagnes hostiles.
3.3. Accroître la transparence et la pédagogie publique
• Instituer des bulletins publics de vigilance démocratique, à l’instar des bulletins météorologiques de sécurité, signalant les pics de désinformation, les tensions virales ou les récits hostiles.
• Encourager la formation des élus locaux, des journalistes et des responsables associatifs aux mécanismes de manipulation numérique et aux risques de diffusion d’influence étrangère.
3.4. Penser une interface européenne du SGDSN
• Le modèle français du SGDSN pourrait inspirer une architecture de sécurité intégrée à l’échelle européenne.
• Proposer, dans le cadre du Conseil européen, un groupe de travail sur la coordination stratégique des SGDSN nationaux, en lien avec le SEAE, Europol et l’ENISA.
4. Conclusion
Le SGDSN incarne une singularité française dans l’univers européen de la sécurité stratégique : il est à la fois un pilote de l’anticipation, un fédérateur d’agences, et un éclaireur des transitions sécuritaires à venir. À l’ère des menaces hybrides, son rôle doit être encore élargi, visibilisé et soutenu, notamment dans le champ de la résilience cognitive, de la protection démocratique et de la sécurité informationnelle.
Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie se tient à disposition pour accompagner ces réflexions, partager ses analyses et contribuer à cette ambition de sécurité nationale ouverte, partagée et lucide.
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